dimanche 29 mai 2011

La fin de l'idéologie de l'épargne

La crise de la dette publique qui sévit de part et d'autre de l'Atlantique marque la fin d'une idéologie économique, que l'on peut appeler celle de l'épargne anti-inflationniste. Les trente dernières années (1980-2010) ont vu une idéologie économique dominante s'installer sur les fondations suivantes : la guerre contre l'inflation, par la variation des taux d'intérêt directeurs et l'abandon de la gestion de la masse monétaire aux banques privées, et la croyance en l'épargne, comme outil de croissance économique par l'investissement productif qu'elle amène. Ces deux fondations de la politique économique occidentale sont pourtant fausses toutes les deux. Intéressons-nous à la deuxième, qui est aussi la plus importante.

L'épargne est nécessaire pour l'investissement, sans doute possible. Mais tirer de cette constatation la logique suivante : "Plus d'épargne amène plus d'investissement", est simplement erroné. L'erreur est que le lien de nécessité n'est pas un lien de proportionnalité. Pourtant, c'est en privilégiant l'épargne que les économistes ont cru, et croient encore, qu'ils allaient permettre la croissance économique.

L'épargne a pourtant d'énormes défauts, en premier lieu la baisse de la consommation, puisque l'augmentation de l'épargne vient naturellement diminuer la consommation. En deuxième lieu, l'épargne favorise les bulles d'endettement et d'actifs, au lieu d'être investie productivement, car le comportement microéconomique d'épargne est constitué comme cela : un individu ne place pas ses premiers euros d'épargne en investissement productif, il les place en produits plus sécurisés, monétaires, dettes et actif spéculatifs, par souci de sécurité. Ce n'est que tardivement qu'il en consacrera une très petite partie à l'investissement productif, s'il le fait. Cet individu a raison d'agir ainsi, en particulier dans des économies à faible taux de croissance, où donc le risque de l'investissement productif est trop élevé par rapport au rendement et donc où les placements sans risque, dont les dettes publiques en sont un grand support, sont plus avantageuses, en particulier parce qu'il n'y a pas d'inflation.

De plus, l'endettement public devient indispensable dans des économies à fort taux d'épargne, tout simplement parce que la consommation est trop faible pour maintenir le PIB. Le complément de l'endettement public réinjecté comme soutien de l'économie est donc obligatoire pour éviter une récession qui rééquilibre production et consommation sans endettement public.

Nous, pays occidentaux développés, nous trouvons actuellement dans cette impasse intellectuelle, avec un cercle vicieux d'épargne trop importante qui favorise des bulles d'endettement, dont la plus grosse est proche d'éclater, celle de la dette publique. Il faut donc transformer l'idéologie pour l'orienter vers une conception d'équilibre entre épargne et consommation, équilibre qui vient de la croissance du PIB et donc implique un besoin d'épargne optimal, plutôt que de croire que l'épargne amènera une croissance économique, ce qu'elle ne fait pas.

vendredi 27 mai 2011

Sarkozy s'en mêle

Le G8 a été l'occasion pour Nicolas Sarkozy de se surpasser en matière économique :
1. La France est contre la restructuration de la dette grecque. L'autre solution est donc que les pays européens continuent à financer la dette grecque, en attendant la 3ème étape, le krach. Les citoyens européens apprécieront...
2. La France va donner 1 milliard d'euros à la Tunisie et à l'Egypte. Il est vrai que les excédents budgétaires de l'Etat français font rêver... Pour mémoire, l'Etat français dépense 80 % de plus que ce qu'il reçoit.
3. L'euro est une monnaie forte qui doit rester entre 1,4 et 1,5 $. Le summum est atteint : quand tous les autres pays essaient d'être le plus compétitif possible par un dumping monétaire, l'Europe, riche de ses déficits, veut une monnaie forte !

Pendant ce temps, Christine Lagarde se prépare un refuge parfait pour les 5 prochaines années au FMI, où elle pourra tenter de faire oublier que la France s'est enfoncée sous sa direction dans la crise de la dette publique. La Belgique, de son côté, refait un peu parler d'elle car sa dette est aussi un peu trop élevée au goût des agences de notation, et l'Italie a disparu de l'actualité aussi vite qu'elle y est arrivée, en attendant la prochaine fois.

mardi 24 mai 2011

C'est parti pour l'Italie

L'Italie vient d'entrer dans la crise de la dette publique européenne, sous l'effet conjugué d'une croissance anémique (0,1 % au 1er trimestre 2011), de l'incertitude politique qui y règne et de S&P qui vient de mettre le projecteur sur sa dette publique astronomique (120 %). Et l'Italie y a répondu de la plus mauvaise des façons, par un plan d'austérité de 40 milliards d'euros qui n'aidera en rien la croissance à revenir...

Pendant ce temps, la BCE continue à refuser une restructuration inéluctable de la dette grecque, et l'Espagne entre dans une période politique difficile, après des élections qui ont mis en danger le gouvernement actuel, rendu responsable de la très mauvaise situation économique du pays. Mais une bonne nouvelle est apparue grâce à cette irruption italienne sur le devant de la scène et à l'escalade grecque : l'euro est redescendu à 1,40 $. Encore loin des niveaux qui permettraient de résoudre sérieusement le problème, mais la direction est la bonne.

Pendant ce temps, la banque centrale anglaise continue sa stratégie parfaite de sortie de crise : laisser l'inflation (4,5%) s'occuper de réduire l'endettement public et garder une livre à un niveau très bas pour relancer la croissance, grâce à une politique de taux d'intérêt extrêmement bas, qui ne se soucie pas de l'inflation, mais bien plus de la croissance. Il faudrait immédiatement élire Mervyn King, le dirigeant de la banque centrale anglaise à la tête de la BCE.

dimanche 22 mai 2011

L'Espagne inquiète, la Grèce restructurée

L'Espagne inquiète et est inquiète. Alors que des manifestations de jeunes se déroulent dans toutes les grandes villes espagnoles pour réclamer du travail et des réformes, l'Espagne continue à désespérément ne pas créer d'emploi, 21 % de chômage, même si un signe de croissance molle est apparu : 0,8 % de croissance annuelle en 2011. Pas glorieux, mais mieux que la récession des années précédentes. Mais l'austérité budgétaire qui arrive en Espagne risque d'enfoncer le pays dans cette croissance molle pour longtemps, empêchant le pays de se sortir de la spirale d'endettement qui se prépare.

La Grèce, de son côté, va avoir sa dette restructurée, même si le débat fait encore rage au sein de la BCE, qui a peur de l'effet sur les banques européennes. En effet, une restructuration dure de la dette (une réduction du montant dû par la Grèce, purement et simplement), obligerait les banques à déclarer des pertes abyssales, amenant un krach majeur des banques et donc un assèchement du crédit en Europe. Alors, pour éviter ce scénario, il est proposé de restructurer doucement la dette grecque, en allongeant la maturité et en diminuant le taux d'intérêt.

Mais la réalité est autre : les investisseurs privés ne veulent plus prêter à la Grèce, ou alors à des taux insupportables (plus de 20%/ an à deux ans), il faut donc que les pays européens continuent à prêter à a la Grèce, ce qu'ils n'accepteront qu'avec une restructuration de la dette grecque. Alors on prépare une légère restructuration pour faire plaisir aux pays européens, pour qu'ils paient 60 milliards de plus, en attendant la prochaine étape. Tant que la Grèce sera en récession, le gouvernement ne pourra pas réduire fortement son déficit public, sauf à augmenter encore la récession. Il faudrait donc relancer la croissance grecque plutôt que réduire le déficit grec, ce qu'évidemment les pays européens refusent, mettant la pression sur le gouvernement grec pour qu'il collecte plus d'impôts, diminuant encore la consommation privée du pays, déjà fortement affectée par la récession grecque.

Alors qu'habituellement, un pays dans l'état de la Grèce voit sa monnaie dévaluée, ce qui lui permet de regagner de la compétitivité, et donc de la croissance, tout en important une inflation salutaire pour l'endettement public, la Grèce n'a aujourd'hui plus de monnaie propre, et pas assez de poids dans l'économie européenne. Le problème de la Grèce est donc purement et simplement l'euro...

lundi 16 mai 2011

DSK et la crise européenne

Un rebondissement totalement inattendu, l'affaire DSK, une accusation pour tentative de viol à New York à l'encontre du président du FMI, pourrait bouleverser le traitement de la crise de la dette publique européenne, et en premier lieu le cas de la Grèce bien sûr. Sans entrer dans le traitement politique ou judiciaire de cette affaire, ses répercussions sur la dette européenne ont besoin d'être évaluées. La question qui se pose est celle de la politique du FMI : va-t-elle changer avec le changement probable de son dirigeant ?

Il est possible de craindre un durcissement de la politique du FMI, déjà relativement contraignante, si jamais la direction du FMI échappait aux européens. Ainsi, la cure d'austérité imposée par le FMI pourrait encore se renforcer en Grèce, avec le départ de Dominique Strauss-Kahn. Alors que la Grèce pourrait avoir besoin à court terme de 60 milliards supplémentaires de la part de ses confrères européens et du FMI, ce durcissement serait très malvenu. D'autant plus que les 60 milliards ne semblent être que la deuxième étape, en attendant la prochaine fin 2012. Et le Portugal ne semble pas bien loin derrière, même si sa première étape personnelle ne fait que commencer.

De l'autre côté des Etats-Unis, la stratégie de la planche à billets rencontre quelques hoquets politiques, avec un affrontement sur la politique économique entre les républicains et Obama. S'ils ne se mettent pas d'accord, le plafond de la dette publique autorisé étant atteint, les Etats-Unis ne pourront plus s'endetter, et donc seront en faillite. Autant le dire tout de suite, je suis du côté d'Obama sur ce sujet, même si cela résulte en une inflation et une dépréciation du dollar. Toute mesure trop violente d'austérité ne ferait qu'empirer le problème de la dette publique américaine et l'inflation in fine. Donc autant continuer à augmenter le plafond de dette autorisé, en attendant que les Etats-Unis reviennent réellement sur le chemin d'une forte croissance.

lundi 9 mai 2011

La Grèce, round 2

Après les rumeurs de restructuration de la dette grecque, une nouvelle phase de la crise grecque a été atteinte aujourd'hui, avec à la fois une nouvelle dégradation de la note de la Grèce par S&P et une confirmation du besoin de financement supplémentaire, par les pays de l'Union Européenne bien sûr, de la Grèce. Un montant de 30 à 50 milliards d'euros est évoqué, mais l'addition pourrait être encore plus salée puisque la récession qui gangrène la Grèce ne semble pas lui permettre de rembourser à une échéance visible la dette colossale qu'elle a accumulée. Avec plus de 10% de déficit en 2010, et des taux d'intérêt de 25% à 2 ans empêchant tout financement sur les marchés, il est difficile d'envisager une sortie de crise de la Grèce sans une dévaluation sérieuse de l'euro et une inflation salutaire.

Mais malheureusement la Grèce ne peut à elle toute seule faire effondrer l'euro, et une des conséquences majeures est que ce pays va devoir encore s'enfoncer dans l'austérité, en attendant le Portugal et l'Irlande. Peut-être que lorsque l'Espagne et l'Italie seront sous pression, cumulée avec les premières difficultés de la France, l'euro pourra s'enfoncer suffisamment pour que l'inflation issue de la dévaluation permette de se sortir de la crise qui déstabilise l'Europe entière.

En attendant le round 3, une restructuration majeure de la dette grecque, ce pays devra continuer à souffrir, sans vraiment de solution pour s'en sortir.

dimanche 8 mai 2011

Une lueur d'espoir ?

M. Trichet a laissé entendre cette semaine qu'une hausse des taux d'intérêt directeurs de la BCE en juin n'était pas à l'ordre du jour, alors que l'inflation flirte avec les 3%. Mais il semblerait que ce ne soit que partie remise, puisque la hausse pourrait survenir en juillet. Une lueur d'espoir apparaît cependant, avec une baisse des matières premières assez soudaine sur les marchés, et surtout une hausse du dollar, qui pourraient diminuer légèrement la crise européenne. Il faudrait que cela continue, mais l'espoir est faible, sur fond de tensions pétrolières au Moyen Orient et de poursuite de la politique de la planche à billets aux Etats-Unis...

Sinon, côté crise de la dette publique européenne, l'Espagne continue à faire peur, avec un taux de chômage à 21%, et un système bancaire régional au bord du gouffre, conséquence directe de l'éclatement de la bulle immobilière. Mais c'est le Portugal qui a fait les gros titres, avec 78 milliards d'euros de prêt par le mécanisme de soutien européen, en contrepartie d'une récession pendant 2 ans, récession qui va empirer le problème de la dette portugaise... Bizarrement, l'exemple grec ne semble pas atteindre les dirigeants européens : la récession est la pire des solutions de remboursement de la dette publique. Mais bon, il faut bien cogner sur les plus petits, ça sert à rien, mais ça soulage. Parce que les plus gros, on ne pourra pas leur faire grand-chose de toute façon.

mardi 3 mai 2011

Une restructuration sans le nom

La Grèce nous étonne par son inventivité ces jours-ci : elle ne veut pas restructurer sa dette, mais demande à rééchelonner et à baisser le taux d'intérêt simplement sur la dette que les pays européens lui ont accordé (110 milliards tout de même), pas sur le reste de la dette détenue par les banques et autres fonds de pensions. il faudrait donc dire pour être exact : une restructuration de la dette grecque du FES, pour rembourser le reste de la dette grecque. Ainsi, la Grèce peut annoncer qu'elle ne restructure pas sa dette en totalité, en faisant financer le remboursement de sa dette publique par les autres pays européens. Finalement, les pays européens remboursent leurs propres banques exposées au risque grec, pour éviter une explosion du système bancaire européen similaire à celui de 2008 aux Etats-Unis. Encore une fois, sauver les banques est la mission prioritaire, mais comment faire si l'Irlande, le Portugal, l'Espagne... commencent eux aussi à être vraiment en danger ?

L'autre information majeure récente est que le successeur de M. Trichet à la tête de la BCE serait un italien, M. Draghi, accepté par l'Allemagne en contrepartie de deux autres postes à haut niveau. La question qui se pose est donc la suivante : M. Draghi continuera-t-il dans la même veine allemande que M. Trichet, ou latinisera-t-il la stratégie de la BCE, en acceptant une légère inflation qui sauverait tout le monde ? Espérons que la réponse soit la deuxième, mais il sera peut-être déjà trop tard à ce moment-là, et M. Draghi risque d'avoir une pression allemande beaucoup trop forte pour faire ce choix-là.

Enfin, l'or continue à toucher des sommets, et revient tranquillement à son statut de monnaie de réserve, alors que l'on croyait s'en être affranchi depuis longtemps. Mais la dérive des monnaies-papier devient telle qu'il semble que ce soit une bonne idée de s'en protéger par un métal jaune à la valeur presque éternelle.